Jusqu'à 6000 personnes sont employés dans l'industrie de tomates aux environs de Dakhla, au Sahara Occidental occupé. La plupart des employés sont d'origine marocaine. Voilà le boom de tomates.
Nouvelles sahraouies No 128/ juin 2008,
Bulletin du Comité suisse de soutien au peuple sahraoui
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Parallèlement à l'occupation militaire et policière du Sahara Occidental, la main-mise sur ses richesses naturelles par le Maroc sert à la fois à l'affirmation de la légitimité de sa présence et satisfait les appétits financiers de gros investisseurs, surtout étrangers. La propagande officielle qualifie de "développement des provinces du sud". Développement qui se fait sans l'implication de la population autochtone et pratiquement sans retombées pour elle, à part quelques profiteurs.
Comme les ressources sont variées et riches, les domaines d'investissement sont nombreux et divers. Il y a l'exploration pétrolière, secteur recherché, la pêche dans les eaux autrefois très poissonneuses, les phosphates dont le prix a explosé, le sable exporté aux Canaries, le tourisme et finalement l'agriculture, ce qui peut sembler paradoxal pour une région désertique.
C'est l'horticulture qui connaît ces dernières années un véritable boom dans la région de Dakhla au sud-ouest du territoire.
Citons un compte-rendu du Centre régional d'investissements, le CRI de Dakhla : «L'implantation d'entreprises agro-industrielles a fait de rapides progrès ces dernières années. En effet le potentiel agricole de cette région plutôt désertique n'est pas négligeable et promet de juteux bénéfices aux investisseurs.
La superficie agricole utile potentielle de la région est estimée à 1 million d'hectares. À ce jour, l'exploitation agricole est concentrée sur 529,5 ha à l'intérieur de six périmètres irrigués qui courent sur 1 434 ha, dans un rayon de 70 km autour de la ville de Dakhla. Cinq des périmètres irrigués sont équipés de serres et de systèmes d'irrigation rationnelle qui engendrent des productions hors sol de grande qualité. D'importantes réserves foncières sont disponibles et offrent d'excellentes opportunités d'investissement dans l'agriculture sous serre. »
Selon la TV marocaine 2M la production de tomates, melons et concombres a atteint 30'000 t en 2007, entièrement exportés vers les marchés nord-américain, européen et de l'ex-bloc soviétique. Le secteur emploie environ 6000 personnes, pratiquement toutes venues du Maroc.
Ces cultures implantées en plein désert font appel à des technologies de pointe. De local elles n'utilisent en fait que le soleil, l'eau et l'espace. Les plantes croissent sous serres, hors sol, nourries par des solutions de nutriments et irriguées par l'eau captée de 300 à 600m de profondeur dans la vaste nappe souterraine d'origine fossile. Une méthode de culture peu écologique et qui épuise une ressource précieuse que l'économie pastorale traditionnelle des Sahraouis avait su préserver.
Pour ces pratiques, à l'instar des autres activités économiques imposées dans le territoire qu'il occupe, le Maroc peut être accusé juridiquement de pillage des ressources sahraouies en vertu des décisions de l'ONU. Dans plusieurs résolutions, l'assemblée générale a demandé aux puissances administrantes de veiller à ce qu'aucune des activités économiques menées dans les territoires coloniaux ou non autonomes qu'elles administrent, ne nuise aux intérêts des peuples. Au contraire ces activités devraient aider les peuples de ces territoires à exercer leur droit à l'autodétermination. « Toute puissance administrante qui prive les peuples coloniaux des territoires non autonomes de l'exercice de leurs droits légitimes sur leurs ressources naturelles ... viole les obligations solennelles qui lui incombent en vertu de la Charte des Nations Unies », écrivait H. Corell, sous-secrétaire général de l'ONU, dans un avis juridique en 2002. La vente de tomates de Dakhla est illégale comme l’est l’exporatation des phosphates de Bou Craa, l’accord de pêche signé par le Maroc avec l’Union européenne et beaucoup d’autres activités économiques. *
La Suisse importe-t-elle des tomates sahraouies?
«La Suisse ne reconnaît pas l'annexion marocaine, l'accord de libre-échange entre les Etats de l'AELE (dont la Suisse) et le Royaume du Maroc n'est pas applicable au Sahara Occidental», a répondu le SECO (Secrétariat d'Etat à l'économie) questionné par le Comité. Ajoutant que «l'Administration fédérale des douanes n'a pas enregistré ni d'importations ni d'exportations en 2005 et 2006. De ce fait, nous n'avons pas connaissance d'entreprises suisses impliquées dans des échanges commerciaux entre la Suisse et le Sahara occidental.»
Une procédure de vérification de l'origine des produits est prévue pour les importations mais il est difficile de prouver que les produits déclarés «originaires du Maroc» proviennent en réalité du Sahara Occidental. Cela vaut surtout pour des produits agricoles que le Maroc exporte en grande quantité.
Les tomates marocaines vendues en Suisse sont peut-être des tomates sahraouies. Essayons de les repérer pour les signaler à nos autorités qui pourront alors appliquer les accords douaniers en vigueur.
Mais pour consommer équitable et écologique, mieux vaut attendre les tomates indigènes !
* Ces aspects de l'occupation marocaine sont dénoncés et combattus par Western Sahara Resource Watch, WSRW, le réseau international d'organismes et de militants qui intervientt auprès des compagnies et investisseurs travaillant pour des intérêts marocains au Sahara Occidental occupé. Site internet: http://www.wsrw.org